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INTERVIEW 

Killian Boucheret

“J’ai l’impression que si tu regardes un peu l’univers audiovisuel large, les trucs un peu nouveaux, en vrai, souvent, c’est dans le clip.”

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Est-ce que tu peux te présenter ?

 

Je m’appelle Killian Boucheret, je suis réalisateur. J’ai fait pas mal de clips. A côté de ça, je fais un peu des trucs en tant que directeur artistique. C’est pas encore ultra-concret mais je travaille avec les artistes qu’il y a un petit peu autour de moi pour développer la direction artistique de leur projet. C'est-à-dire tout ce qui va être l’imagerie d’un artiste de A à Z autour d’un projet ou autour de l’artiste de manière générale.

 

Donc l’image et la musique, encore, mais différemment qu’avec le clip. 

 

C’est ça, exactement.

 

Et du coup, comment tu as commencé exactement ? 

 

Moi à la base je kiffais le cinéma. J’avais des potes autour de moi qui faisaient de la musique donc j’ai pris une caméra et on a fait des clips. J’ai l’impression… Pas tout le monde mais pas mal de clippers commencent comme ça, c’est toujours des potes et tu fais “allez vas-y, moi je vais filmer”. Et après j’ai fait une école qui s’appelle l’EICAR. C’était cool parce que moi je venais pas de Paris, donc…

 

Tu viens d’où à la base ?

 

Je viens d’une magnifique ville qui s’appelle Clermont Ferrand en Auvergne. Et je me suis dit que pour faire ce que je voulais faire, il n'y avait pas trop d’autre choix que de monter à Paris. Donc j’ai fait cette école. Et en vrai c’était cool parce que justement… En fait, c’est surtout ça qui est intéressant avec une école, c’est que globalement tu rencontres des gens qui veulent faire à-peu-près la même chose que toi donc ça permet de te construire un petit cercle. Et après en termes d’enseignement, ce qui est cool, en tout cas à l’EICAR et c’est pour ça que j’y suis allé, c’est qu’il y a un peu de matos. Donc globalement tu peux un peu pratiquer, c’est ça qui est bien. Après, l’enseignement je pense que ça peut être intéressant pour la technique. Mais c’est pas une école qui va t’apprendre tout.

 

C’est le terrain ?

 

Oui c’est le terrain. Mais c’est aussi parce qu’il y a parfois des profs qui sont très déconnectés de la réalité du métier. Ces écoles, à la sortie, tu as l’impression qu’il y a un mec qui va venir te voir et qui va te dire : « Bon bah voilà, j’ai 5 millions d’euros, fais ton métrage, vas-y… ». Non. Mais bon, voilà, j’ai fait ça et moi j’ai toujours été intéressé par le clip donc j’ai continué d’en faire. A la sortie de l’école j’ai envoyé ma bande démo à toutes les prods de Paris. Et j’ai commencé à travailler. Et du coup, au début j’ai commencé en duo, avec Maximilien Terzi.

 

Oui j’ai vu que tu étais en duo avec lui notamment sur les clips de Bekar.

 

En fait, il y a vraiment ce truc ou genre on était très potes pendant les trois ans de l’école et on avait commencé vite fait à réaliser des trucs ensemble… Au début on était vraiment un duo, pendant je sais pas, deux ans, trois ans, j’ai un peu du mal à évaluer.

 

La première collaboration que j’ai trouvée entre vous c’est un clip pour Spri Noir.

 

Et bien c’était littéralement notre premier projet produit. On venait de sortir de l’école. Et il y avait eu un appel à projet pour ce truc, on l’avait eu, et voilà. Et ouais je pense que c’était vraiment le premier truc produit que j’ai fait de ma vie. C’était une petite boîte et tout. Avec le recul... en vrai c'est une dinguerie, nos deux premiers appels à projet de notre vie de réalisateurs, on les a eu. Et crois-moi, bien qu'avec le recul je sais bien qu'on les a pas à chaque fois. (rigole) Ça c'est sûr et certain. Du coup, on a eu Still Fresh et en même temps on a eu notre premier clip pour Bekar, qui était passé par cette petite boite de prod à la base. Et du coup au même moment on a fait ça, juste avant le covid. Au final, après, pendant quasiment tout le temps ou j’ai bossé avec Max, on a arrêté de bosser avec des prods et on a quasiment tout autoproduit. Par exemple avec Bekar, on s’est super bien entendu et on est un peu tombé d’accord sur le fait que ça marche, c’est cool. Le label de Bekar, ou en tout cas son entourage, nous aidait un petit peu à produire. Mais du coup, nous, on avait les rênes de la production on va dire. Et en vrai c’était cool, dans le sens ou tu apprends plein de choses et tu apprends à te débrouiller. Mais après je vais pas te mentir, genre à la fin j’étais en mode : j’en ai marre. Parce qu’il y a toujours ce truc où si tu produis quand tu es sur le set… Tu penses à plein de choses autres que réaliser quoi.

 

Ça s’est fini comment cette période, la collaboration avec Maximilien Terzi ?

 

Max, il a toujours été dans la fiction. Les films tout ça. Moi j’avais ce truc là quand je suis arrivé à l'école mais par exemple, là, je ne dirais pas du tout que je fais du clip par défaut. J’adore ça, la fiction ça m’intéresse mais je suis en mode : peut-être plus tard, on verra, c’est cool… Là je sais que je suis là-dedans et je kiffe. Lui, ça a toujours été : la fiction, la fiction, la fiction. Il y a un moment où on va dire, à la fin je tenais un peu plus le truc et lui il avait ses projets de fiction à côté qu’il voulait développer. Et du coup voilà, il y a un truc un peu logique qui s’est fait. Et on est toujours ultra-potes avec Max, c’est un mec que j’adore. Lui là se concentre un peu plus sur ses projets de fiction, mais continue aussi à faire du clip parce qu’il kiffe faire ça aussi. Du coup, ça c’est fait naturellement.

 

Oui, pas de drame quoi.

 

(Rigole) Non mais c’est marrant parce que souvent on me pose la question, du coup je me sens obligé, parce que j’ai l’impression que souvent les ruptures de taf comme ça, ça peut être un peu compliqué. Et moi j’ai eu cette chance, ça c’est bien passé. C’est cool de bosser à deux, d’avoir un intermédiaire pour tes idées. Mais aujourd’hui je le referais pas je pense.

 

Et la collaboration avec Bekar, tu veux m’en parler un peu plus ?

 

Avec Bekar ça s’est vite bien passé mais on n’a jamais forcé le truc. Bekar, je sais que pour moi, avec le recul, ça m’a quand même fourni tous mes premiers projets, ce qui m’a permis de faire plein de trucs. Donc c’est un élément important de mon évolution, je pense.

 

Et du coup est-ce qu’il y avait quelque chose au niveau de sa musique et de ce que toi tu aimes bien montrer à l’image qui marchait ou c’était vraiment une entente de personne à personne ? Ou d’artiste à artiste ?

 

Il y avait des trucs que je trouvais intéressants dans sa musique mais c’était pas forcément… Je sais pas comment dire, mais même d’ailleurs au fur et à mesure de l’évolution de Bekar, je pense qu’il y a plus de trucs dans lesquels je me suis retrouvé dans sa musique. C’est son évolution artistique qui a un peu mené vers des trucs qui moi me parlent plus. J’ai un peu l’impression que c’est pas forcément les musiques que j’aime le plus en termes perso avec lesquelles je vais pouvoir le mieux travailler, tu vois ce que je veux dire ?

 

Pourquoi ?

 

Parce que… Bon c’est pas la bonne explication mais tu vois, par exemple, une musique peut-être un peu, je sais pas, cinématographique en l’écoutant, et du coup tu es un peu en mode “wow, je vais pouvoir faire un truc cool là-dessus”… mais peu importe que tu l’aimes ou pas. 

 

Donc, c’est pas ce que tu ressens en écoutant la musique, c’est plus les images que ça te provoque ou pas ?

 

Oui, c’est un peu ça. Je pense qu’il y a plein d’artistes que j’adore mais où, niveau réal, je saurais pas trop quoi en faire. Alors qu’il y en a d'autres, je les aime bien, je les adore pas mais je suis en mode “Ah, par contre, là ça m’inspire”. Et ça peut-être juste parce qu’il y a une esthétique dans la musique, ou même parce que l’artiste a une esthétique au-delà de la musique. Moi par exemple, quand je vais écouter un truc un peu plus lent, en général je vais préférer travailler avec des trucs comme ça qu’avec des trucs un peu plus rythmés… Et pourtant j’écoute pas que des trucs lents dans ma vie perso. (rigole)  Donc ouais, moi je dissocie un peu ce truc-là tu vois genre, c’est pas forcément ce que j’adore musicalement sur lequel je veux absolument bosser ou sur lequel je vais préférer bosser.

 

Ok ! Parce que j’ai remarqué que tu avais fait beaucoup de clips pour des rappeurs ou des rappeuses mais du coup c’est pas forcément ton style de musique préféré.

 

Oui, c’est un peu le hasard des choses. Après, moi, j’écoute du rap. Enfin, j’écoute pas que ça mais à la base je viens du rap dans le sens ou j’ai écouté ça toute mon adolescence. Donc, pour le coup, j’aime vraiment ça. Après, il y a plein d'artistes, tu vois par exemple des artistes comme Zinée avec qui j’ai travaillé ou genre… Je sais qu’on a travaillé ensemble parce que je lui ai envoyé un message.

 

Ah ouais ?

 

Oui un dm genre comme ça. Et ce qui m’a surtout attiré chez Zinée, c’est ce qu’elle est, son imagerie, plus que… J’aime sa musique, mais plus que sa musique. Je trouve cette meuf stylée, j’aime bien ce qu’elle apporte dans son esthétique et j’étais en mode “ouais, il y a un truc sympa à faire”.

 

Et ça s’explique pas forcément…

 

Non c’est ce que j’aime je pense, tu vois. Genre le truc avec Zinée, je sais pas… C’est des artistes qui ont des esthétiques globalement qui me parlent. Des fois la musique suis cette esthétique, des fois moins. Et du coup, si la musique suis cette esthétique, il y a d’autant plus de chance que je puisse faire un truc cool. Et en même temps, je suis en mode : moi je fais de l’image. Donc je vais me démerder. Que la musique sois comme ci ou comme ça, à la fin je sais pas, je vais faire de belles images (rigole). Parfois c’est un peu aussi bête que ça. Mais oui, c’est pas très concret, c’est juste : est-ce que ça me parle ou pas.

 

Et en même temps c’est marrant parce que j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de motifs qui reviennent dans les différents clips de toi que j’ai vu. Comme la solitude, le voyage, souvent c’est des personnages qui sont soit esseulés avec des gens autour, soit juste tout seul. Souvent il y a des voitures aussi…

 

Ah ouais, c’est vrai. (rigole) Ouais, le truc des voitures… C’était un peu notre private joke avec Max… J’avoue, on avait trop ce truc avec les voitures, mais tu sais, je sais même pas pourquoi. J’en ai aucune idée. Mais vraiment on était en mode « Faut qu’on arrête de mettre des voitures, là ».

 

Exercice : ne pas mettre de voiture dans le clip.

 

Mais ouais, tu sais, c’était vraiment ça. Mais globalement je sais que, oui, moi j’ai toujours été attiré par les trucs un peu plus sombres, les trucs un peu plus dark. Donc forcément quand tu vas dans ce genre d’esthétique-là, tu ramènes des idées un peu plus comme la solitude, des choses comme ça. Et pour le coup, je sais que bah, en vrai, il y a pas mal d’artistes avec lesquels… En vrai Bekar il l’avait ce truc-là, tu vois.

 

Effectivement, souvent dans tes clips, il y a un côté un peu fin du monde. Parfois on a l’impression qu’il n’y a plus personne autour, qu’il y a eu une catastrophe nucléaire et juste Bekar qui se balade tranquillement au milieu de tout ça.

 

Oui c’est ça. Bah je pense que, ouais, c’est des… des moods, des esthétiques qui… que j’aime bien, genre tu vois ce truc un peu… Ce truc presque un peu bizarre post-apo, on sait pas trop… En fait, juste bêtement c’est mon… je pense que c’est des trucs qui m’attire, quoi.

 

Et ça vient d'où ? Parce que tu parlais avant de cinéma un petit peu, ça vient de là, de films précis ?

 

En vrai, si on parle spécifiquement de ça, je pourrais pas te nommer de trucs précis... Après, je sais qu’il y a plein de choses qui m'inspirent. Mais même, c’est bête, mais internet. Genre, même l’esthétique internet ça me fascine tu vois, genre, les trucs un peu deep d’internet, les creepy pasta.

 

Oui, ton travail peut faire penser aux espaces liminaux. Des pièces vides…

 

Ah nan mais tu vois, là… Voilà, ça, typiquement… Les espaces liminaux, toute l’esthétique backroom… Les histoires que raconte le youtubeur Feldup… Tout ce dont lui parle de manière générale, ce vaste internet, j’adore ça. Et du coup ouais, j’aime bien piocher un peu à droite à gauche et même là, j’ai l’impression que dans tout ce que j’ai fait, ça reste un petit peu… Un petit peu toujours la même chose. Mais là j’ai envie de beaucoup plus explorer ces trucs-là, pour le coup.

 

Tu construis comment un clip ? Il y a l’artiste, toutes ces choses dans lesquelles tu vas piocher, et après ?

 

En fait, tu dois créer un univers. Mais pour moi quand un clip raconte trop c’est pas forcément une bonne chose. Et du coup moi je vois plus ça comme ça : tu build avec un peu de tout, tu as un univers, tu donnes quelques pistes pour donner un sentiment qui se crée autour de la musique, de l’artiste, de… tu sais, que ça parte dans des pistes mais … il faut vraiment que ça soit un truc très léger, tu vois.

 

Ça, c’est quelque chose que j’ai remarqué dans la plupart de tes clips. Ça ne raconte rien de précis mais il a l’air d’y avoir un fil conducteur quand même. 

 

En fait, moi je me fais des histoires, parfois, tu vois. Mais je me dis… il ne faut pas, que quand on regarde le truc, on comprenne ce que j’ai dans la tête. Mon avis c’est que souvent, dans le clip, il y a forcément des contre-exemples à ça, qu’on s’entende, mais je trouve que ça fonctionne pas. Il faut teaser la personne, faut lui donner envie de savoir mais faut pas lui donner plus. Après, sinon genre je fais un court métrage. Et là, c'est autre chose.

 

Et en même temps, j’ai vu le court métrage que tu as fait…

 

(Rigole) Oui, du coup tu vas me dire, ça raconte toujours rien.

 

Oui, tu gardes ce truc-là de « je te donne pas toutes les réponses ».

 

Oui c’est ça. Mais parce que de manière générale… C’est un court métrage… j’ai pas envie de mettre le mot expérimental. Mais il y a pas de dialogue, c’est très… en vrai c’est presque un clip. En vrai.

 

Ça y ressemble. Il y a beaucoup de musique en plus.

 

Oui, quasiment tout du long ou alors des trucs un peu ambient. La vérité c’est que même dans la fiction, souvent moi ce que j’aime c’est quand il y a ce truc très… Où tu sais pas grand chose, où c’est très libre d’interprétation, où il y a souvent des trucs un peu planants. C’est le genre de narration que moi j’aime.

 

T’aimes bien quand ça reste un peu opaque ?

 

Ouais, exactement. C’est bien comme ça. Tu sais on te donne des bribes et ça crée un truc en toi et c’est ça que je trouve cool, tu vois.

 

Est-ce que tu as l'impression que le clip te laisse plus de liberté par rapport à un court ou l’inverse, du coup ?

 

Oui. J’ai l’impression que si tu regardes un peu l’univers audiovisuel large, les trucs un peu nouveaux, en vrai, souvent, c’est dans le clip. Les trucs un peu bizarres, les idées ou t’as juste un mec qui s’est dit « viens, on essaye, ça va être trop chaud » et ça donne un truc bien. Et du coup j’ai l’impression que oui, en vrai, je vois pas d’autre médium qui est plus une terre d’expérimentation aujourd’hui que le clip, en vrai.

 

Tu as l’impression que tu expérimentes plus spontanément avec la technique sur un clip que sur un court ?

 

Je pense vraiment, parce que dans la fiction j’ai l’impression que c’est rare que, tu vois, le côté « wow, techniquement il y avait un truc de fou et tout ». Enfin, un truc qui choque vraiment. J’ai l’impression que c’est beaucoup plus poussé dans le clip. Et d’ailleurs ça peut être presque une mauvaise chose. J’ai l’impression que la recherche du nouveau tips un peu technique qui est un peu en mode « wow », qui est un peu fou… C’est un truc que j’aime bien voir. Mais c’est pas forcément un truc que… qu’il me plait d’explorer. Mais du coup oui, j’ai l’impression que l’expérimentation technique est beaucoup - voire essentiellement - présente dans le clip. Et même j’ai l’impression de parfois voir des trucs dans le clip, et genre tu vois que un ou deux ans après, il l’utilise dans la fiction genre chill. Le clip, c’est vraiment différent, tu peux te permettre des trucs parce que voilà, dans la fiction tu dois quand même suivre une narration souvent… Tu peux pas faire n’importe quoi. Mais après pourquoi pas, finalement.

 

Oui, carrément !

 

Ça serait peut être une bonne chose à faire.

 

Il y a des clips qui t’ont marqué, qui ont influencé ton travail ?

 

Je me rappelle de clips… Genre Trinity. Il y a un truc en gros où il est juste dans des espèces d’escaliers, ils tournent.. Et je me rappelle, mais ça c’est parce que Laylow il a un truc, mais je me rappelle on était posés devant avec Max et on se disait « comment », enfin « pourquoi ce clip est génial ». Parce qu’en fait, si tu regardes le clip, il y a rien, en fait. En vrai, il y a des idées très cool, ce truc dans la cage d’escalier qui joue sur… Comme s' il y avait une sorte de saut bug spatio-temporel… Mais ça reste très simple. Et en même temps très impressionnant.  À l'époque, il y avait quelques réals qui faisaient vraiment des trucs différents un peu dans les jeunes. Après, c’est peut être moi qui regardais moins de clips avant.

 

Tu as l’impression de t'être mis à regarder plus de clips quand tu t’es mis à en réaliser ?

 

Ouais je pense. J’ai l’impression que quand j'étais ado, j'étais beaucoup plus marqué en termes d’images par le cinéma. Et en même temps, avec le recul, je me dis que je comprends presque pourquoi parce que j’ai quand même l’impression que avant que je commence à arriver à Paris, le clip c’était différent… J’ai l’impression qu’il y a eu une sorte de nouveau souffle où vraiment ça n’avait plus rien à voir. En mode « on fait du clip, c’est cool et on va tester plein de trucs, ça va être archi-bien ». Et il y avait une marge de flou aussi, peut-être. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les jeunes artistes, en vrai, ils sont tous à l’inverse dans une recherche de fou de « je veux aller dans une esthétique très précise, très pointue, très poussée ».

 

Tout doit être pensé ?

 

Ouais, il y a un besoin presque… une « maladie » des jeunes artistes.

 

Carrément.

 

(Rigole) Le mot est un peu fort. Mais ouais, c’est comme s'ils étaient obligés d’être trop poussés dans une d.a. ultra deep. A la fois, c’est une très bonne chose parce que, disons, avant c’était beaucoup plus normé et maintenant c’est beaucoup plus libre en termes d’expression. C’est trop bien et du coup ça fait émerger des trucs. Aujourd’hui, j’ai l’impression que tous les jeunes artistes sont ultra-chimériques. C’est ultra-hybride mais que ce soit en termes de musique, en termes d’image… Après c’est aussi dans l’air du temps parce que, on est dans un monde qui est quand même beaucoup plus libéré qu’il y a quelques années. Il y en a vraiment pour tout le monde, je sais pas, je trouve ça cool. Mais le petit revers de la médaille, c’est que des fois j’ai l’impression que certains artistes, ils poussent ce truc mais parce qu’il faut le pousser, tu vois. 

 

T’as des artistes aujourd’hui que tu trouves impressionnants ?

 

Ouais grave, dans les jeunes je pourrais en citer plein. Par exemple Baby Solo, Asinine, j’aime beaucoup aussi ce qu’elle a ramené… Sinon c’est assez jeune, mais une meuf qui s’appelle Clara Kimera. C’est un truc très émo. Moi je viens du rap parce que c’est ce que j’écoutais quand j’étais ado, mais à la base de par mon daron je viens du rock, du rock un peu alternatif. Du coup, c’est les deux mondes qui se rejoignent et j’ai l’impression que je suis au paradis. Je suis trop heureux.

 

Et des artistes avec lesquels tu aimerais travailler ?

 

Pendant très longtemps j’aurais pu te citer Johanna. Parce qu'il y a ce truc… Moi ça me parle trop. Genre cette esthétique un peu Mylène Farmer, un peu witchy… C’est trop bien. Après il y en a plein. Et en même temps, je sais pas, c’est pas vraiment une question que je me pose. Il y a plein d’artistes où ça me parle. 

 

C’est quoi la place du dialogue entre toi et l’artiste quand tu fais un clip ?

 

Je m’inspire de trucs. Tu vois par exemple dans le cas de Zinée, c’est ce que j’ai trouvé quand j’ai écouté ses morceaux, ce que j’ai trouvé d'intéressant dans ce qu’elle était, dans sa personne. La vérité c’est que ça a pas tant été un dialogue. Après, ça dépend des artistes. Parfois c’est un truc très précis qui me parle… ou alors juste on s’amuse avec l’esthétique. C’est très aléatoire. C’est très difficile à décrire. Mais je pense que… Après c’est un truc qui est aussi très propre à la musique mais je pense qu'écrire compliqué, c’est pas forcément la bonne chose à faire. Et du coup, c’est mieux à chaque fois d’essayer d’épurer. Épurer, épurer, épurer. 

 

C’est un truc qu’on t’a déjà dit, qu’il fallait épurer, ou c’est une règle de toi à toi-même ?

 

Les deux, en vrai. J’ai même changé un peu la manière dont j'écris. Avant quand j’écrivais un dossier, par exemple, tout était millimétré. Et c’est cool, c’est intéressant de travailler comme ça sur certains projets, pourquoi pas, mais c’est pas… Tu vois dans la logique, un peu comme je disais tout à l'heure, de si tu veux raconter un truc ne pas trop raconter etc… Je pense que c’est un médium qui est souvent meilleur quand c’est moins… intense. Je sais pas trop comment dire…

 

Et est-ce que c’est trouver des trucs le jour-même pendant le tournage ?

 

Non pas du tout ! Pour le coup il y a plein de, enfin j’imagine, il y a plein de réals qui bossent un peu plus comme ça, de manière instantanée. Moi je sais que pas du tout, par contre. Je sais exactement ce que je veux faire, où je veux aller, comment. Quitte à prévoir que c’est un peu plus libre et pouvoir me laisser des trucs au montage. 

 

Et du coup est-ce que tu t'entoures d’une équipe qui est toujours la même ?

 

Ça a pas mal changé. Au début avec Max, on était très petite équipe. On a beaucoup bossé avec un chef op qu’on a rencontré à l’école qui s’appelle Stéphane Martins. Quand on a arrêté de bosser ensemble avec Max, je me suis rendu compte qu’on était très isolé, vu qu’on bossait tout le temps avec les même personnes. On faisait pas de rencontre et je pense que c’est un peu important dans ce milieu. Et du coup, au final, depuis que je suis tout seul j’ai bossé avec beaucoup d’équipes différentes.

 

Est-ce que tu peux me parler d’un projet sur lequel tu as particulièrement aimé bosser ?

 

Si je devais citer un truc, ce serait le court métrage que j’ai fait. Déjà c’était très libre. Et puis c’est les retours que j’ai eu dessus. Nous, on a fait ce truc pour se faire kiffer et je me disais « c’est un court métrage de réal, un peu chelou, les gens vont pas s’y intéresser ». Et en vrai c’est le truc ou j’ai eu le plus de retours. Et chacun avait son analyse, c’était trop marrant. Du coup, j’ai goûté à ce truc parce que.. Quand tu fais du clip, c’est quand même de la commande. Et du coup, là, ce truc très libre, artistique, c’était très satisfaisant. Même s'il est imparfait, mais il a ce truc un peu pur qui est sympa. On a eu une idée, on a eu envie de la faire… Et voilà !

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